Naissance d’un père ingénieur et d’une mère au foyer début 1945 à Arvida au Saguenay, ville-champignon créée de toutes pièces pour les besoins de l’aluminerie ALCOA et baptisée du nom de son président, ARthur VIning DAvies. Impossible, cependant, de revendiquer la gloire de l’appartenance à ce haut-lieu historique du capitalisme triomphant. Survenue deux mois après ma venue au monde, la noyade restée inexpliquée d’une sœur âgée de deux ans et demi, met fin au rêve d’y vivre l’installation permanente promise aux familles de cadres.
S’ensuivront quelques années de nomadisme d’un centre industriel à un autre avant d’aboutir dans un village éloigné du Bas-du-fleuve où fleurissent nationalisme et catholicisme rigoureux d’une population agricole sédentaire. À l’adolescence, je ferai l’expérience de la rupture avec ce milieu pour commencer des études classiques dans un collège huppé, hébergée que je suis chez ma grand-mère paternelle, laquelle vit dans une grande maison sise sur le flanc du Mont-Royal et, chanteuse à ses heures, a ses entrées dans les cercles artistiques et cosmopolites du Montréal de l’époque.
Initiée tôt au déplacement, j’ai déjà acquis l’habitude du voyage et ferai, adulte, de nombreuses incursions dans un ailleurs aux multiples facettes : études à Strasbourg et à Paris, tour d’Europe en autostop, long séjour aux États-Unis pendant la guerre du Vietnam, travail à Ottawa comme rédactrice-conceptrice pour les Postes canadiennes, puis postes en éducation dans le Nord québécois (d’une école crie à un institut innu) et, plus tard, en Tunisie au sein d’une grande école internationale durant la Révolution du Jasmin.
Tout comme le voyage, la quête de connaissance est chez moi une nécessité, pour ne pas dire une passion. Après avoir terminé à Québec ce que l’on appelait alors les Humanités, je m’inscris à la Licence en Lettres françaises à l’université Laval, puis, consécutivement à un bref passage en Alsace, vais suivre les cours de l’École supérieure de journalisme de Paris en tant que boursière du gouvernement français.
De retour en sol québécois en 1973 avec, en poche, un diplôme de journalisme et une citoyenneté française toute fraîche, je deviens responsable du premier groupe francophone d’Amnesty International au Canada et siège ultérieurement au Conseil d’administration de la Ligue des Droits et Libertés. Là encore, survient une rupture, cette fois entre milieu d’emploi conventionnel et travail à domicile comme pigiste, permettant de concilier mon rôle de mère d’un enfant né en 1975 avec mes aspirations professionnelles.
De 1975 à la fin des années ’80, la carrière qui se dessine pour moi sera consacrée à des activités de communications : d’abord journaliste-chroniqueuse à l’hebdomadaire Québec-Presse, j’effectue ensuite des piges successives en révision, rédaction, charge de projets pour différents employeurs (éd. de l’Homme, Secrétariat d’État, Postes Canada, UQAM, ICÉA) et traduis plusieurs livres parus en anglais pour divers éditeurs montréalais. Je reviendrai brièvement au journalisme en 1988-’89 avec la chronique « Des médecins se prononcent » alors publiée dans la revue Actualité médicale.
Mais l’arrivée d’un second enfant en 1980 a suscité en moi une réflexion qui me fera revoir de fond en comble mon projet de vie global. Devenue mère monoparentale, je me réoriente vers de nouvelles études aux universités du Québec à Montréal (M.A. Linguistique) et de Montréal (Ph.D. Psychopédagogie). Ainsi me lancerai-je dans une seconde carrière, celle-là vouée à l’orthopédagogie, d’abord en centre-jeunesse (Le Carrefour des jeunes de Montréal), puis en milieu scolaire autochtone cri (1989-1990) et montréalais interculturel (1990-1995). À partir de 1995, je crée un bureau de consultante au service d’élèves en difficulté du primaire et du secondaire, service qui a connu deux interruptions jusqu’à maintenant. J’occuperai en effet deux emplois comme spécialiste en éducation d’une part, entre 2003 et 2009, à l’Institut culturel et éducatif montagnais (Tshakapesh) sur la réserve de Uashat, de l’autre, en 2011, à l’École internationale de Carthage en Tunisie.
Je n’abandonne pas pour autant les activités de communications reliées à l’écriture. C’est ainsi que, de 1995 à 2000, je conçois et alimente mensuellement la chronique « Prête-moi ta plume ! » dans la revue Cité libre – par des articles dont l’objectif était de traduire à l’écrit la parole de gens pour la plupart du quartier montréalais Hochelaga-Maisonneuve. Mais la scolarité de doctorat en psychopédagogie, que j’ai entreprise parallèlement à cette collaboration, réveille de lancinantes interrogations qui m’amèneront à me tourner vers la littérature.